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Un Document Féodal


                                                                                   I

D'après la loi romaine, l'esclave n'était pas une personne ; c'était une chose. Il ne pouvait rien posséder, puisqu'il était lui même la propriété d'un autre. Pour tout ce qui était de la vie civile, l'esclave était compté pour rien. Parmi les nombreuses classes d'esclaves, il y avait celle des esclaves ruraux : ceux-ci étaient attachés à une métairie, à un domaine. On les vendait d'ordinaire avec, la terre qu'ils cultivaient.

Cet usage passa du droit romain dans nos mœurs, et, sous le régime féodal, les serfs (1) de la glèbe (2) suivaient le sort de l'héritage auquel ils appartenaient.

Vivant sous l'autorité du maître, dans la sujétion la plus absolue, ils naissaient et mouraient à la même place. Ils ne pouvaient abandonner la terre du seigneur, qui avait le droit de les vendre, de les échanger, de les revendiquer partout, et d'en disposer comme de ses bêtes de somme.

A côté d'eux, il y avait des hommes prétendus libres dont la condition était pour le moins aussi misérable que celle des véritables serfs. En effet :

« Cultiver une terre chargée des plus onéreuses redevances, de corvées et d'impositions arbitraires, où le seigneur, seul, possédait tout, où les tenanciers ne pouvaient jamais devenir propriétaires, où toutes les acquisitions retombaient, à leur mort, dans le domaine du Seigneur, où ils ne pouvaient ni les transmettre même à leurs enfants, si ce n’était à des conditions rigoureuses et toutes à l'avantage du maître ; ne pouvoir s'écarter de cette terre, sans perdre à l'instant tout ce qu'on possédait; ne pouvoir rien acquérir, même dans un autre pays, qui ne fût soumis à la confiscation seigneuriale ; contracter cette servitude, non seulement par la naissance, mais par le mariage, mais par l'habitation d'un an et d'un jour. » Voilà, à quelques différences près, quelle était leur destinée (3).

Ajoutons à cela les humiliations et les vexations de toutes sortes, auxquelles ils étaient assujettis. Il suffira d'en citer un exemple:

Quelques seigneurs franc-comtois et bourguignons (4) poussèrent leur mépris pour les serfs à un tel point que, dans plusieurs paroisses, le sergent du seigneur avait le droit d'assister à toutes les noces avec deux chiens courants et un lévrier. Les mariés étaient obligés de donner à manger et à boire à ces animaux qui avaient leur couvert auprès de la mariée, et qu’ on devait laisser manger sur la table.

Dans certaines contrées, les serfs, après le rude labeur du jour, étaient obligés d'aller, pendant la nuit battre l'eau des fossés du château, pour empêcher les grenouilles de coasser, afin de ne pas troubler le sommeil du Seigneur (5).

Parmi les sujétions auxquelles les serfs étaient soumis , il y en avait de ridicules. C'est ainsi qu'on leur imposait l'obligation d'aller, à certains jours, s'asseoir sur une pierre, de venir faire la moue ou des grimaces, d'imiter les cris et les gestes des animaux devant le seigneur et sa société pour les divertir (6).

Ici on apportait au manoir un oeuf garrotté dans une charrette traînée par quatre bœufs, ou un serin sur une voiture à quatre chevaux. Là les manants devaient courir la quintaine devant le seigneur, lui donner l'aubade, chanter une chanson à sa dame, imiter la marche des ivrognes, danser une bourrée, jeter leur chapeau au bout d'une perche en courant, venir baiser la serrure, le cliquet on le verrou du manoir, faire trois cabrioles, se laisser tirer le nez ou les oreilles ou donner un soufflet (7).

L'émancipation des serfs fut favorisée par l'affranchissement des communes et par les croisades, qui obligèrent les seigneurs à vendre la liberté à leurs vassaux pour fournir aux frais de leurs pieuses ex­péditions.

Louis XI et Richelieu portèrent les derniers coups à la féodalité, et la Révolution française (nuit du 4 août 1789) acheva d'on faire disparaître les traces.

                                                                                II

On a vu plus haut que les serfs attachés à la glèbe étaient vendus avec le domaine auquel ils appartenaient. Nous ne pouvons mieux faire que d'en citer un exemple que nous empruntons aux archives de la ville d’Avallon. Nous copions textuellement le manuscrit intitulé Anecdotes avallonnaises (1274).

 

(1) Serf, du latin servus esclave.

(2) Glèbe mot emprunté du latin gleba pour signifier une motte de terre. En termes de droit, il signifie le fonds d'une terre, la terre elle-même.

(3) Dictionnaire des Origines , par Noël  et Carpentier.

1827 Voir le mot servitude.


(4) En France, où les affranchissements ont commencé,  la Bourgogne et la Franche-Comté avaient encore  avant 1789, de vastes campagnes cultivées par des mains esclaves.

(5) Diction. encyclopédique de Lebas (droits seigneuriaux).

(6) Almanach du Magasin pittoresque, 1863.

(7) Diction. encyclopédique de Lebas  (droits seigneuriaux).


(Almanach Historique et Statistique de l'Yonne Edition de l'année 1863.Document signé: AD. L...)


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