Mémoires d'Escolives Sainte Camille
- Anecdotes -
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La Via Agrippa
Dès le Ier siècle après Jésus-Christ, des voies de terre rendirent possible
le transport des voyageurs et marchandises. Certains aménagements furent
réalisés : les légions devaient pouvoir circuler vite et en toute sécurité
en cas d'intervention pour un maintien de l'ordre ou pour protéger une
frontière.
La plus importante de ces voies dessert l'axe Nord-Sud de Lyon à Boulogne :
la voie Agrippa du nom d'un général romain, gendre d'Auguste chargé de la
construction des routes en Gaule.
M.P. LARUE, ingénieur agronome, avait observé du haut du clocher d'Avallon,
le tracé des voies romaines grâce au jaunissement prématuré des céréales sur
les parties empierrées.
La prospection aérienne révèle une possible modification du tracé entre le
projet et la réalisation finale. D'époque Augustéenne, les fossés fixaient
les limites de la route afin d'éviter le débordement des riverains.
Les grands domaines agricoles gallo-romains étaient établis à l'écart des
voies principales probablement à cause de l'insécurité procurée par
celles-ci.
Tout en respectant les grands principes de base, une grande diversité
dominait dans les techniques de construction qui devaient s'accommoder des
matériaux trouvés localement.
La voie était surélevée par rapports aux terrains alentour afin de permettre
un drainage correct. Les déblais tirés du creusement des fossés latéraux
étaient employés pour la construction. La largeur de la voie variait entre
six et huit mètres.
Des bornes milliaires (1), des colonnes de pierre au fût cylindrique,
portaient le nom de l'empereur qui avait fait réaliser la voie, le point
d'implantation et le départ ou l'aboutissement de la voie.
Les voies romaines étaient également utilisées pour les échanges
commerciaux, les trafics locaux et par les pèlerins rejoignant un
sanctuaire.
Les endroits dangereux de celles-ci étaient placés sous la protection des
Dieux. Ainsi les carrefours possédaient leurs dieux ou déesses, les ponts et
gués, leurs autels.
Des petits monuments agrémentaient le tracé rectiligne des voies. Une longue
et double rangée de tombeaux signalaient l'entrée des villes, tandis que les
mausolées de grands propriétaires étaient érigés en pleine campagne.
Des véhicules rapides et très inconfortables empruntaient les axes les plus
importants pour le service de poste pour les hauts personnages de
l'administration et de l'armée.
Des relais jalonnaient ces voies. Les praetoria ou stations de la poste
destinées aux hauts fonctionnaires en voyage ou au gouverneur en tournée
d'inspection. Dans les mansiones, gîtes d'étapes tous les trente milles (2),
on pouvait trouver des chevaux, des vivres et un toit pour la nuit.
Les relais espacés de six à huit miles (3) permettaient exclusivement le
ravitaillement en chevaux frais.
Les particuliers pouvaient faire étape dans les auberges installées autour
des stations de poste pour des raisons de sécurité.
Le château de la Motte
On peut supposer, qu'au Ve siècle, un édifice médiéval se dressait sur le
finage de Jussy entre Jussy et Escolives, au lieudit Monteau ou Moutteau.
Une observation attentive du lieu permet de noter une vue dégagée sur
l'Yonne, un contrôle de la vallée de Jussy, un chemin circulaire autour du
site, une rupture de pente avec un changement dans la nature du sol laissant
imaginer que le dessus de la motte fut écrêtée.
Un lieudit de la Cour-Barrée appelée Dessous de la Motte se situe juste en
dessous de cette zone.
Un autre élément viendrait confirmer cette hypothèse. Le combat de Saint
Germain et les fées (4) écrit par Jean PUISSANT, fait allusion à une
propriété située à cet endroit.
« Sabinus possédait à trois lieues et demi d'Auxerre, non loin du village
actuel d'Escolives, une riche villa qui étendait ses bâtiments en carré
autour d'une cour immense au sommet du coteau, en lisière des bois. Toute la
plaine du côté gauche de l'Yonne lui appartenait.
La maison, les greniers, les granges, les étables, les chambres des
esclaves, tout, sauf les fours, était construit en bois, car, depuis
cinquante ans, la villa avait été détruite trois fois par les barbares.
Le père de Sabinus avait entouré sa propriété d'une haute palissade, et
avait fait creuser à l'extérieur, un fossé profond alimenté en eau par une
source. Sabinus lui-même avait édifié une haute tour de bois qui dominait la
vallée et d'où l'on pouvait guetter. »
La culture du ver à soie
En 1830, un médecin de Ligny, Monsieur GARNIER fut l'un des premiers à
expérimenter dans l'Yonne la culture du ver à soie. Cinq années plus tard,
la production de trois mille six cents mûriers d'espèces et de provenances
diverses, permettait d'envisager un essai de filature de soie.
Monsieur RABE, juge de paix à Maligny introduisit le mûrier multicaulis,
tandis que Monsieur BUREL plantait, à la Cour-Barrée, deux mille mûriers
blancs rendant ainsi possible l'examen des résultats à plus grande échelle.
C'est ainsi que l'on constata la parfaite acclimatation du mûrier dans
l'Yonne. On nota cependant une sensibilité du mûrier multicaulis au gel,
inconvénient minimisé par sa croissance rapide, sa multiplication aisée par
bouturage et la grande dimension de ses feuilles. On espérait qu'il finirait
par s'acclimater.
En 1835, sur les cinq mille vers à soie élevés par Monsieur GARNIER, mille
cocons de mauvaise qualité furent détruits et quatre cent cinquante
conservés pour recueillir les graines de la saison suivante. Quant aux trois
mille cinq cent cinquante cocons restants, ils produisirent une livre huit
onces de soie dévidée en filature à Chalon-sur-Saône. Deux cent
quarante-cinq d'entre eux pesaient une livre !
Le denier (5) de cette soie, vérifié à Lyon, était de 14, la plus belle
portant le nombre 9 et la moins belle le nombre 29.
Dévidée en cinq brins, elle aurait pu l'être en trois et ainsi constituer de
l'organsin, au prix beaucoup plus élevé.
La soie de l'Yonne n'avait alors rien à envier à celle des pays méridionaux.
Cet essai ne fit pas d'émules, mais il reste cependant encore une trace
aujourd'hui : on peut admirer un magnifique mûrier dans la cour de Bernard
PEUTEUIL, à la Cour-Barrée.
Droit de banalité
Gabelle, corvée, mainmorte... soulageaient les pauvres paysans de leurs écus
bien péniblement gagnés. S'il venait à manquer de fonds, le seigneur
augmentait la taxe ou... en inventait une nouvelle !
Le droit de banalité représentait l'impôt le plus impopulaire. C'était un
droit perçu par le seigneur pour tous les biens mis à la disposition de ses
serfs : four, lavoir, puits, moulin à grain et à huile. On ne pouvait y
échapper !
En 1864, Anne ROBINEAU, Veuve de Robert CHAPPONEL, dame de Belleombre (6)
exerçait pour moitié, un droit de banalité sur le pressoir communal.
Elle décida un jour, d'augmenter la redevance du pressoir. Les vignerons
d'Escolives n'apprécièrent guère. Ils se réunirent avec le tabellion chargé
de rédiger la contestation. L'homme de loi rapporte que la dame ROBINEAU
assistée de ses domestiques « aurait menacé de maltrester lesdits habitants
et lui aurait forcé de se retirer, ayant même dit qu'elle me, ferait donner
des coups de baston et que j'estois un fripon d 'aller faire un acte de
telle sorte en sa justice... »
Ajoutant, « Attendu les grandes menaces qu'icelle dame ROBINEAU me faisait
», le tabellion se retira.
L'affaire eut une suite, trois ans plus tard. Les Scolivains signèrent le 29
juin 1687, une procuration pour un procès contre la dame de Belleombre, mais
on ignore comment cela se termina.
Cinquante-huit ans plus tard, en 1745, un accord eut lieu devant notaire, à
l'amiable, entre Anne BILLEBAULT veuve de Joseph LE MUET, seigneur
d'Escolives, Jean Christophe LE MUET, seigneur de Jussy, son beau-frère, et
Nicolas REGNAULT, vigneron à la Cour-Barrée. Cet acte enjoignait Nicolas
REGNAULT de « détruire le pressoir qu'il a élevé au détriment des droits de
banalité du seigneur d'Escolives. »
Notes
:
(1) Bornes placées
au bord des voies romaines pour indiquer les milles (mesure itinéraire
romaine qui valait mille pas).
(2) 45 km
(3) 9 à l2 km
(4)
Contes et Légendes de Basse-Bourgogne de Jean PUISSANT
(5) La grosseur du fil de soie
(6)
Orthographe
de l'époque
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