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Raoul, Comte d'Auxerre, Duc de Bourgogne et Roi de France (*)
Auxerre s'est toujours montrée fort reconnaissante à l'égard de ses
enfants qui, par leur talent ou leurs belles actions ont su lui
faire quelque honneur ; Fourier, Davout ont leur Statue ; Soufflot,
l'abbé Lebeuf, Lacurne de Sainte-Pallaye, etc., ont leur médaillon
sur la façade de notre nouveau musée ; il n'entre donc nullement
dans ma pensée de faire à notre cité un reproche d'ingratitude en
consacrant, dans cet almanach-annuaire une courte notice à un
personnage, comte duc et roi qui, né vraisemblablement à Auxerre, y
résida presque toute sa vie, préférant le séjour de notre ville, à
celui de Dijon, la capitale de son duché, à celui même de Paris la
capitale de son royaume. C'est de Raoul (Racdulfus, Raoux Roux,
Raoul) comte d'Auxerre, duc de Bourgogne et roi de France que je
veux parler. Ce ne sont pas tous ces titres qui ont attiré mon
attention sur ce personnage auxerrois, ce sont les éloges que font
de lui Raoul Glaber et Frodoard, chroniqueurs du temps, et après eux
Mézerai et Henri Martin. Tous s'accordent à dire que se fut « un
prince libéral, vaillant, religieux, justicier et digne d’un
meilleur temps. Seigneur de belle prestance et encore de meilleur
sens, il était d'un grand courage, sévère à punir les malfaiteurs et
à repousser les ennemis de l'État. » Du reste c'est la seule
réputation de sa rare valeur et de sa haute prudence qui lui valut
le trône où le firent monter par l'élection, tous les Seigneurs de
France réunis à Soissons pour déposer et remplacer Charles le-Simple
devenu impopulaire par ses honteuses alliances avec les Normands. Si
l'un veut bien apprécier le mérite de Raoul, il faut se mettre en
présence des nombreuses et formidables difficultés qu'il eut il
vaincre pour se maintenir quatorze ans durant, avec honneur et même
avec une certaine gloire, sur un trône mal consolidé et enveloppé de
puissants ennemis. Charles le-Simple soutenu par les Germains, les
Normands, les Hongrois, Héribert, comte de Vermandois, un des plus
considérables pairs de France, le duc d’Aquitaine qui régnait sur
tout le Midi, entre le Rhône et l'Océan, le combattirent tour à
tour, et tour à tour furent ou repoussés ou vaincus, ou, souvent
même terrassés, et détruits.
C'est ce dernier sort que subirent les Hongrois. Ces barbares
avaient passé les Alpes par des endroits ou il n'y avait jamais eu
apparence de chemin et malgré les soins de Raoul et de Hugues, roi
d’Arles, qui les avaient enveloppés dans d’étroits défilés, ils
avaient réussi à pénétrer jusque dans le Languedoc ; mais les mêmes
rois les y suivirent et les serrèrent de si près que tous, ayant été
en partie tués par le glaive, en partie abattus par la dysenterie et
la faim, enrichirent de leurs dépouilles le pays qu’ils étaient
venus piller. Quant aux Normands, le plus grand fléau de la France
du moyen-âge, quoiqu’ils fussent, pour ainsi dire, insaisissables,
protégés qu'ils étaient par les Seigneurs qui ne voulaient pas que
les affaires du royaume s'éclaircissent, il les poursuivait partout
à outrance, ne leur laissant ni repos ni trêve; souvent même il les
pourchassait, l’épée dans les reins, jusqu'au sein de leur repaire,
jusque dans la Normandie que lâchement leur avait cédée
Charles-le-Simple. Comme il était aussi habile capitaine que pieux
paladin, maintes fois il sut les envelopper et ne pas en laisser
échapper un seul pour aller porter au fier Roi la nouvelle de ce
désastre. Quoique, comme vous le voyez, il fut continuellement en
guerre, Raoul n’en prit pas moins un soin particulier du comté
d’Auxerre où il aimait à aller se reposer des fatigues du champ de
bataille et des pénibles soucis du gouvernement. Nous avons
plusieurs chartes, octroyées par lui à ses amés et féaux Auxerrois;
toutes sont datées de son palais d'Auxerre. Ce palais était il celui
de nos comtes (actuellement la bibliothèque) ou celui du couvent
Saint-Germain dont il était l'abbé? C'est là une question que je
laisse à vider à plus habile que moi. Toujours est-il que pendant un
de ses séjours dans sa ville de prédilection, il y donna une preuve
vraiment remarquable de cette sévérité envers les malfaiteurs dont
parle si souvent Mézerai. Voici le fait en quelques mots. Instruit
qu'un Seigneur Tonnerrois, qui s'était emparé de la terre de Dyé sur
les religieux de Fleury, au lieu de la leur restituer, comme il
l'avait promis, prenait sur les revenus de terre les frais d'un
repas splendide qu'il allait donner dans la forêt voisine, il partit
d'Auxerre, le jour même destiné à cette fête, sans confier son
projet à personne. Arrivé près de ta forêt, il la fit entourer par
ses gardes, et seul alla droit à l'usurpateur qu'il perça de sa
lance. Tel fut le prince qu'Auxerre vit naître et mourir et qui fut
enterré, près de Sens, à Sainte-Colombe, à l'endroit même où fleurit
aujourd'hui une communauté religieuse. Je crois ce roi aussi digne
de respect que d'estime, et je serais heureux de voir qu’une plume
plus exercée, plus savante que la mienne rendit à l'histoire locale
et en même temps à l’histoire de la France le grand service de
mettre plus en relief cette belle et noble figure du dixième siècle.
Pourquoi la société savante de l’Yonne ne mettrait elle pas au
concours la vie de ce roi qui est, pour ainsi dire la propriété
d'Auxerre?
On a eu l’obligeance de me transmettre les quelques documents
suivants que je m'empresse d'ajouter à ma notice pour lui donner
quelque intérêt.
Voici d'abord sur la mort de Raoul quelques détails trouvés dans
l'histoire manuscrite de la ville de Sens par Tavau ; histoire
transcrite par Maulmirey, échevin de cette ville en 1752
« En l'an 937, le 2 des ides de Janvier, qui est le 12 dudit mois,
nous apprend Maulmirey, Raoul de Bourgogne, roi de France, mourut en
la ville Auxerre, de la maladie phtiriasique, c’est à dire de poux
et de vermines sortant hors du corps, et fut enterré à l’Abbaye
Sainte-Colombe-lès-Sens, devant le grand autel, qu'il avait enrichie
et augmentée de grands biens et és laquelle Richard son père avait
aussi esté inhumé. Trois jours auparavant son décès, comme par un
prodige dénonçant la mort de ce roy, bienfaiteur de ceste maison, ce
monastère fust quasi du tout consommé par feu ; qu’aucuns ont
escript y avoir été mis à scient. » Quelques historiens, et
particulièrement le président Hénault, le font mourir à Autun, ville
où volontiers il séjournait aussi Tavau, on vient de le voir dit
qu’il mourut à Auxerre. Le savant Driot auteur de la primatie de
l'église de Sens est du même avis. A sa mort le trône dépouillé de
tout son prestige resta abandonné pendant plusieurs mois et les
actes publics portent cette date singulière :
Depuis la mort de Raoul N. S. Jésus-Christ régnant en attendant un
Roi.
Ce roi fut enfin proclamé. Guillaume archevêque de Sens, se rendit
en Angleterre avec quelques autres prélats et barons, pour supplier
le roi Adelstan de leur rendre le descendant de Charles le Simple,
Louis IV dit d’Outre Mer qui fut proclamé roi et eut le triste sort
de son père. Une longue captivité dans la forteresse de Laon,
dernière possession des rois de France, le punit d'avoir voulu faire
sentir à ses hauts barons l’autorité de son rang. Bientôt arrivent
au trône les puissants ducs de France dont les destinées rappellent
celles des Pépins d’Herstal les puissants maires du palais, aïeux
des Carlovingiens.
L'épitaphe du tombeau du roi Raoul a été rapportée par nos vieux
historiens. Nous allons en citer la fin, telle que la donne Jehan
Bouchet d'Aquitaine dans son curieux ouvrage : Les anciennes et
modernes généalogies des rois de France et mêmement du roi
Pharamond. Paris in-12 ; 1451.
En l'an neuf cent trente et six, de partir
Il me convint de ce monde pervers,
Mon corps à Sens gist en poudre et en vers,
En un moustier, nommé Sainte-Colombe.
Priez pour l'âme en regardant ma tombe.
Maulmirey dit à propos de son tombeau placé dans l'église de
Sainte‑Colombe à Sens, le Saint-Denis des ducs de –Bourgogne :
« La sépulture de ce Roy qui estoit eslevée en pierres de taille et
assez riche pour le temps a esté de nos jours veue en cette abbaye
et y fust encores entière si la rage plus que barbare des François
pendant les guerres civiles l’eust épargné, lesquels en l'an 1567
assiégeant la ville de Sens , bruslèrent notre beau monastère. »
Cependant le tombeau fut relevé après le départ des Huguenots et
rétabli dans le chœur. Il se composait de la statue fruste et
mutilée de Raoul soutenue par quatre colonnes aussi en pierre. Au
bas était gravé en caractères gothiques :
RADULPHUS REX.
En 1721, le père Colombat, prieur de Sainte-Colombe, faisant
carreler le sanctuaire de l'église, découvrit au dessous du monument
un gros mur et un caveau en forme de berceau, construit en ciment
très dur. Des fouilles furent pratiquées, mais on n'y trouva qu'un
peu de poussière. C'étaient les cendres du roi Raoul.
Au mois d'août 1792, un acte de fureur de la Convention ordonna le
renversement et la dispersion des tombeaux des rois et des princes.
L’ordre fut exécuté et les derniers débris du monument échappé à la
rage des Huguenots disparurent à jamais. Les esprits sensés
déploreront toujours l'ingrat aveuglement des cités qui, dans les
jours de discorde, rompent ainsi avec leur histoire, en portant une
main impie sur leurs plus respectables monuments.
Quant au portrait de Raoul, il a été gravé par Balthazar Noncornet.
Au dessous de ce portrait, on lit les mots suivants :
Raoul, roi de France,
Regne deux ans
Gist à Sainte-Colombe à Sens.
Il y a ici une erreur évidente du vieux graveur. Raoul a régné
quatorze ans et non deux ans.
Le portrait accompagnant cette notice a été gravé avec beaucoup de
précision et de finesse par un jeune artiste d'Auxerre, M. Pretot,
d'après le tableau n° 1233 des Galeries historiques de Versailles.
Tableau et gravure sont exactement semblables à l'image empreinte
sur le sceau de Raoul, conservé à Saint-Denis.
(*) Raoul ou Rodolphe
Roi de 923-936 Mort en 936.
Almanach Administratif Historique et Statistique de L’Yonne. Année 1869
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