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La chasse au bonhomme de paille (Mézilles)

Les horizons de la population poyaudine du début des années 1900, sont bien souvent limités au village, voire au chef-lieu de can­ton. C'est pourquoi l'essentiel des loisirs se déroule dans le cadre de la communauté villageoise. Pourtant, loisirs et temps libre ne se confondent pas. Les rares divertissements, qu'il s'agisse de fêtes laïques, religieuses, agraires ou autres, font partie intégrante de la vie quotidienne. La campagne poyaudine ordonnait ses fêtes en fonction du travail de la terre. Car le mot loisir n'avait alors pas de sens autrement, ou bien alors il était synonyme de paresse. Les principales fêtes de l'année se cal­quaient donc sur les ruptures du calendrier agri­cole. Ce calendrier se divisait en deux parties majeures : les travaux intenses du printemps et de l'été et la saison morte. On distinguait pour les deux premiers les festivités païennes et les fêtes religieuses. Bien que la frontière entre les deux ne soit pas évidente. Il faut d'abord y voir la célébration de rites agraires ancestraux que la religion catho­lique n'avait fait qu'adapter sans réellement en extirper le côté profane. Il faut dire aussi que deux tendances s'opposent encore en 1900 : d'un côté les conservateurs, les « blancs » soutenus par le curé et les gens du « château », de l'autre, les républicains, « les rouges », guidés par l'instituteur de l'école laïque. Le poyaudin, respectueux des traditions, n'en subit pas moins les consé­quences de ce clivage profond dans sa vie de tous les jours, mais aussi dans ses divertissements ou ses réjouissances. Les fêtes, quelles qu'elles soient, même si l'on est pour ou contre l'association organisatrice, ne sont pas pour cela négligées, on joue, on danse, on chante, on aime s'assem­bler à la veillée, se raconter des histoires. La fête, on la prépare, on la vit. Et chaque bourg aurait bien eu du remords de ne pas être en tête des réjouissances. Ce fut le cas notamment pour les distractions carnava­lesques.

On a vécu des cavalcades de mi-Carême fantastiques, par exemple à Champignelles en 1910. De Saint-Privé avec ses célèbres assignations à Saint-Fargeau, dans chaque village, carnaval mettait tout à rebours. Le plus insolite des carnavals poyaudins reste toutefois celui de Mézilles où l'on fait la chasse dans les rues à un bonhomme de paille. Un être mal­faisant qui réapparaît périodiquement aux environs de Mardi-Gras, mais dont la mémoire villageoise a oublié l'origine poyaudine. Sous son règne d'un jour, autrefois, on mangeait, on buvait, la dépense était fantastique. Après quoi, on lui dressait procès verbal, dans les attendus duquel il semble bien qu'on ait recensé les forfaits, péchés et peccadilles perpé­trées au village depuis le dernier carnaval. Le procès de l'accusé, méchant bonhomme, menteur, avare, sorcier et débiteur de tout le monde se déroule sur la place. La sentence tombe, sans surprise évidemment. L'être malfaisant sera brûlé sur la place publique. Abandonnée depuis des années, cette tradition qui semble prendre ses racines en Lorraine a été remise à l'honneur en 1978, par les irréductibles amuseurs publics que sont pour cette fête insolite Jean-Pierre Prenat, Claude Dieu et Daniel Carré, alors responsables du Foyer rural de Mézilles. Organiser la chasse au bonhomme de paille n'est pas une mince affaire. D'abord on se réunit quelque temps auparavant pour tresser les 50 mètres de paille nécessaire pour recouvrir entièrement le personnage. II faut s'occuper des rôles de chacun, de la mise en scène des fameux « chienlits », accompagnateurs en chemise de nuit au derrière disons « kaki » ; et d'un jugement formida­blement savoureux. Ensuite, pour goûter la saveur du terroir qui imprègne cette fête originale, (il n'y en a que deux ou trois de ce type en France) on mangera les beignets, on boira le cidre et l'on dansera. Temps heureux, moment de simplicité franche au parfum de vieille France qui se dérou­lera à Mézilles le 16 mars prochain.

 

 

Jean-Claude TSAVDARIS
Ces gens de Puisaye. Volume 5
Les saisons paysannes
Edité en 2002


Témoignages du Passé

 

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